Le convivialisme

Un manifeste signé par une centaine d’intellectuels en 2013, la constitution d’un réseau international, l’organisation d’un colloque à Paris en juin, Alain Caillé, l’animateur du Mauss, mouvement anti-utilitariste en sciences sociales, ne ménage pas sa peine pour promouvoir le convivialisme qui annonce la couleur en se présentant rien de moins comme une alternative au capitalisme « rentier et spéculatif ». « Je tiens encore plus au « isme » qu’à la convivialité car le détour par l’idéologie oblige à expliciter les valeurs cardinales auxquelles nous tenons et à explorer leur cohérence », précise Alain Caillé. Le convivialisme – avec ses connotations pour des rapports humains pacifiés et une vie plus facile pour tous – pourrait passer pour un nouvel avatar d’une contestation utopique du système ? Ce serait dommage de rester bloquer sur cette impression. Les quatre principes du convivialisme – la commune humanité, la commune socialité, la légitime individuation et la maîtrise des oppositions (savoir s’opposer sans se massacrer) synthétisent les idéaux centraux respectivement du communisme, du socialisme, de l’anarchisme et plus surprenant ici du… libéralisme. Cette reconnaissance nécessaire des individus et de leur potentiel signe une prise de conscience intéressante et plutôt rassurante sur le projet convivialiste. Sur quoi peut déboucher ce syncrétisme ? Au-delà de la critique qui se concentre sur la dénonciation de l’hubris du capitalisme « rentier et spéculatif » qui fait fi des menaces écologistes sur la planète et de la montée des inégalités – les convivialistes veulent faire apparaitre tout autant illégitime l’extrême richesse que l’extrême pauvreté – le convivialisme pose en tout cas les premiers jalons intellectuels d’une alternative globale. Et ouvre, c’est son ambition et son mérite, le débat d’idées sur un concept travaillé.