Les chinois n’aiment pas les drones US

Le gouvernement chinois ne dit rien, mais il fait parler sa presse. Et sa presse, sur un ton modéré et un peu moqueur, évoque les dégâts collatéraux des tirs de drones américains. L’occasion de cette évocation, c’est l’exécution récente, par le moyen d’un drone, du chef des talibans afghans, Akhtar Mohammad Mansour – aussitôt tué, aussitôt remplacé d’ailleurs. Le “dommage collatéral” – en la circonstance, le chauffeur de Mansour – fait partie des euphémismes utilisés par les autorités américaines, comme “exécution ciblée” pour assassinat, “interrogatoire renforcé” pour torture, ou “ennemis tués au combat”, pour civils tombés sous les drones. Non sans sourire, la presse chinoise rappelle l’époque pas si lointaine où le jeune sénateur de l’Illinois, Barack Obama, critiquait sévèrement la manière dont le président George Bush menait la guerre contre le terrorisme. Et les Chinois s’en prennent aux frappes d’Obama, non seulement en Afghanistan – contre des Afghans, et en fait, souvent au Pakistan – mais aussi en Syrie, au Yémen, en Somalie et en Libye. Dans ces derniers pays, ils font observer que la règle fixée par Obama lui-même, selon laquelle les frappes de drones doivent être utilisées seulement contre des cibles qui représentent une menace “continue ou imminente” pour les États-Unis, n’est guère applicable. Sur le fond de cette guerre américaine, les Chinois n’expriment aucune contestation. Ils se félicitent même que l’armée pakistanaise, deux jours avant la frappe qui a touché Akhtar Muhammad Mansour, ait tué, par voie aérienne, huit talibans, parmi lesquels le mollah Mazarnal, chef d’une province du sud de l’Afghanistan réfugié au Pakistan. La politique américaine et la politique chinoise vis-à-vis du Pakistan sont d’ailleurs depuis longtemps convergentes. Et, de façon plus générale, la Chine soutient les opérations armées contre les terroristes islamistes, qu’elle combat sur son propre territoire. Elle conteste seulement les attaques contre “les ennemis de nos ennemis”, Bachar El-Assad ou Kadhafi. “Le “dommage collatéral” fait partie des euphémismes utilisés par les autorités américaines, comme “exécution ciblée” pour assassinat, “interrogatoire renforcé” pour torture, ou “ennemis tués au combat”, pour civils tombés sous les drones” Mais les Chinois ne sont pas mécontents de renvoyer à l’expéditeur des leçons sur les droits de l’homme, les critiques qui s’expriment à l’intérieur même des États-Unis. Comme celles du journaliste d’investigation Jeremy Scahill, auteur de ‘The Assassination Complex?: Inside the Government’s Secret Drone Warfare Program’. C’est une dénonciation, sur la base de documents secrets, de la façon dont est conduite la guerre anti-terroriste. L’auteur prétend que 90?% des personnes tuées dans les attaques par drone ne font pas partie des objectifs explicitement visés. Sans doute reconnaît-il que les attaques commandées à distance évitent des morts américaines?; mais il observe qu’elles provoquent la mort de nombreux étrangers qui, s’ils ne sont pas toujours innocents, ne font pas partie des individus visés.